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Pourquoi un corbeau ressemble-t-il à un bureau?
8 octobre 2015

Le Cognassier / Partie 9 : "Un sourire, léger mais franc"

11714433_701379399968650_1659027255_nL'image vient de ce site (avec un texte inséré par la Baba) : http://france.jeditoo.com/Paca/luberon/bonnieux.htm#la-louve

La voiture entre dans le hameau à l'heure où toutes et tous s'affairent encore ; les quelques personnes se trouvant dans les rues observent avec méfiance l'arrivée de l'étranger. Tom connaît bien sa ville et ses habitants, mais ressent pourtant le décalage dû aux années passées à l'ombre. Ce lieu a changé d'âme, lui-même est transformé. La prison a fait de lui un être froid, rugueux et indifférent : les choses de la vie semblent avoir glissé sur lui et pourtant son visage est marqué. Autrefois, il aimait à passer dans ces rues tranquilles, constatant avec amusement une nouvelle devanture, des travaux de voirie. Aujourd'hui il est là pour des raisons plus profondes, et c'est tel un murmure, furtif, qu'il se meut et laisse derrière lui les commerces de la grande rue. A présent à l'angle de la petite impasse qui mène à son ancien domicile, Tom sent le gouffre de son passé le rattraper, la peur latente d'une famille trop forte, trop présente l'engloutir ; il sait où il va, quelle sombre partie de sa vie il s'apprête à déterrer. Les maisons défilent et lui ne voit que le bout de l'allée. Sa vision, prise dans la spirale de ses pensées, s'obscurcit pour ne s'accrocher qu'à cette haute bâtisse, derrière le haut grillage usé.

Tom sait par sa sœur que la famille vivant chez lui est partie pour la semaine : quelques jours de vacance près de la mer qui lui offrent l'occasion d'agir. Il gare la voiture, reste un moment mains sur le volant, le regard dans le vague, la crispation dans le corps. Sa blessure à l'épaule s'est remise à saigner il y a quelques heures ; son front sue, ses muscles se tétanisent. L'intérieur du véhicule est un vrai chaos de papiers et plastiques divers, de traces de sang, séchées et nouvelles. De sa place et à travers les barreaux de rouille du portail, l'homme voit les branchages du cognassier se mouvoir au gré du vent. Son cœur se sert. D'un geste vif il ouvre la portière et s'engouffre dans le poids du silence, marche d'un pas lourd, suffoque déjà de passer l'antre de ses secrets. Sa main sur le métal, il hésite un moment puis s'avance sur le terrain en friche. Il se souvient comme sa mère, à cheval sur la rectitude de ce champ d'herbes, mettait un point d'honneur à le faire tailler chaque semaine. Elle disait : « c'est à la tenue de son jardin que l'on reconnaît la noblesse d'une maison ». Son père avait néanmoins imposé un espace de libre poussée où se trouvait le cognassier, dans la pure tradition des jardins anglais : ordonnés et désordonnés. Tom sait exactement ce qu'il a à faire, et sans passer par l'intérieur, sent néanmoins la force de cette construction l'attirer vers elle, comme le passé attire toujours les hommes et les femmes vers leurs anciens démons. Tom se recentre sur son objectif, s'attache aux mouvements naturels de l'arbre qui semblent alors l'hypnotiser ; il avance tel un possédé. L'homme arrive aux racines et disparaît sous les feuilles, littéralement avalé, pour parvenir jusqu'au tronc fin et noueux. Posant sa main sur l'écorce, il sent comme une onde frissonnante le parcourir de long en long. Tom, à présent revenu d'entre les ombres, sent la force du sol lui couler dans les doigts et le nourrir. Des profondeurs de la terre il capte la vibration et la chaleur irradiante. Sa respiration se fait lente, calme, régulière ; son corps reprend consistance. L'esprit apaisé et les idées au clair, il laisse retomber son bras et rebrousse chemin, rejoint le coffre de la voiture duquel il extraie une lourde pelle. Tom se sent prêt : rien, ni personne ne saura l'arrêter. Son visage est marqué d'un rictus inhabituel : un sourire, léger mais franc.

March Hare

 

Pour rappel (et pour les petits nouveaux), ce texte est une nouvelle écrite à 4 mains avec la Baba Yaga. Huit parties ont déjà été publiées, nous nous approchons doucement du dénouement... (ne vous inquiétez pas, il vous en reste encore !). "Le Cognassier" paraît donc sur nos blogs respectifs en alternance (milieu de semaine pour moi et fin de semaine pour Baba Yaga). La partie 10 arrivera ce week-end dans l'Isba, ça se passera ici :

http://isbaba.canalblog.com/

ou

http://babayaga.centerblog.net/

 

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Commentaires
Pourquoi un corbeau ressemble-t-il à un bureau?
  • Bonjour et bienvenue sur Bandersnatch ! Ce blog me sert à publier mes textes et à partager mes humeurs. N'hésite pas à laisser une trace de ton passage ici et à me donner ton avis sur mes productions. Merci à toi et bonne lecture ;-)
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