Le Cognassier / Partie 7 : "Enfin, tout ce fracas ne sera plus en vain"

L'image vient de ce site (avec un texte inséré par la Baba) : http://france.jeditoo.com/Paca/luberon/bonnieux.htm#la-louve

Allongé sur le capot, le regard fixé sur les nuages changeants, Tom savoure les derniers instants de sa liberté sans conditions, mais non sans conséquences. Il revoit cet homme, ce médecin, lui prodiguer les soins nécessaires à sa bonne santé. L'annonce d'Adeline avait eu l'effet d'un choc, et cet homme l'avait sorti de sa torpeur pour le remettre sur pieds : un type bien, un père de famille honnête et dévoué à sa tâche. Une seconde avait alors suffit... Dans le ciel, le dragon qui crachait du feu se meut à présent en tortue, avant que la tête de celle-ci ne se détache du reste du corps pour devenir un fantôme torturé et filiforme. Une légère brise vient secouer les cheveux en broussaille de Tom qui, fermant lentement les yeux, replonge dans les méandres de ses souvenirs.

Le médecin a le dos tourné pour un instant : il signe le bon de sortie de son patient, pendant que le garde cède à un éternuement opiniâtre. Le prisonnier voit ici son avenir se dessiner, dans cette seconde seule qui semble alors s'étirer, comme pour lui permettre d'agir. D'un bond et, comme d'un geste, Tom arrache le stylo des mains du médecin pour le lui enfoncer dans la gorge, juste assez pour montrer au maton qu'un bic peut devenir létal. L'homme en blanc se trouve maintenant sous la menace d'une clé de bras et d'une arme d'appoint ; il gémit, implore la pitié de son agresseur. Tom ne voit plus que des ombres, erre au hasard des couloirs, faisant face aux gardiens qui le tiennent en joue : plus rien ne l'arrête. Il finit face à la grille d'entrée, demande à ce qu'on lui ouvre, prend conscience dans l'attente que la moitié des effectifs de ce bâtiment pointe vers lui le canon menaçant d'un revolver. Le grillage s'ouvre, au bout la liberté. Le médecin, gémissant toujours, pense à sa femme et ses deux filles. C'est au sortir du corridor grillagé qui mène à l'extérieur que l'évadé libère son otage. Tom fuit la servitude, il court mais perd pied très vite face à l'immensité qui s'offre à lui. Il goûte au doux parfum d'y croire lorsqu'une balle, tirée depuis la tour ouest du pénitencier, vient traverser son épaule avant de finir sa course dans le radiateur d'une voiture. Le blessé s'effondre sur le sol, entend la cavalerie prête à lui passer sur le corps. D'une volonté de fer, il se redresse et fuit alors à travers champs, allant sans se retourner. Ce n'est qu'au moment où la douleur l'emporte qu'il s'appuie sur un arbre, la main empourprée de son propre sang.

Tom se redresse, les deux mains sur la carrosserie. Inspirant profondément, il prend le temps de ce dernier instant d'homme libre, avant d'expirer et de reprendre la route. Bientôt, tout ceci allait enfin faire sens pour lui. Enfin, tout ce fracas ne sera plus en vain.

March Hare

Pour rappel (et pour les petits nouveaux), ce texte est une nouvelle écrite à 4 mains avec la Baba Yaga. Six parties ont déjà été publiées, plusieurs autres attendent leur heure patiemment... (ne soyez pas trop gourmands ;) ) "Le Cognassier" paraît donc sur nos blogs respectifs en alternance (milieu de semaine pour moi et fin de semaine pour Baba Yaga). La partie 8 arrivera ce week-end dans l'Isba, ça se passera ici :

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ou

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