La Cavalcade
A écouter : Intermission - Coeur de Pirate
Elle court puis s'arrête, repart puis revient, saute dans une flaque d'eau, rigole. Le soleil est doux et agréable : c'est le début de l'été. La petite fille sent la présence rassurante de celle qui, dans l'ombre, marche dans ses pas et rit avec elle de bêtises tendres et sucrées. Les odeurs et les bruits sont des gourmandises, les chats et les chiens : des dragons.
Elle roule, à toute vitesse, parmi la végétation du parc. Assise sur son nouveau bolide, elle se laisse porter par le frisson de l'aventure et du danger, griser par la vitesse et l'adrénaline. Elle sait la force puissante lui tenir la selle du vélo pour se lancer : juste un peu, juste pour se sentir bien. Quelques mètres plus loin, la chute met fin à l'envolée et les pleurs retentissent. Un souffle léger sur l'énorme bobo, et voilà la fillette qui repart : en avant !
Assise sur son lit, la jeune fille pleure. Son premier amour s'est envolé, parti rejoindre l'îlot des bons souvenirs. Ca pique un peu dans le cœur, ça vient chatouiller la gorge et les yeux ; les larmes coulent : celui-là, elle l'aimait vraiment ! Imbécile... Un chaud baiser, déposé sur le front, lui réchauffe le corps. Ca va. Elle renifle encore un peu, sent le poids sur ses sentiments, mais ça va.
La porte se ferme. Sa valise à la main, elle sait que tout ce qui est derrière ce morceau de bois peint va partir rejoindre l'îlot. Elle s'en fout. Elle part tête baissée, poings serrés, avec la nouveauté qui lui souffle dans les cheveux. Portée par une volonté de fer, la jeune femme met les deux pieds dans sa vie et fait de ce monde un terrain de jeu. Marche et aime.
Et puis... et puis, la dégringolade. Plus de souffle, de baiser ; plus de rire, de larmes. Tout ralentit et la jeune femme sent chaque pas lui peser. Perdue, elle erre et se cherche, tend l'oreille et n'entend rien que les battements frénétiques de sa propre détresse. Longtemps elle marche seule. Parfois, elle laisse les autres venir, les chasse lorsqu'elle sent leurs bras trop près, trop forts, trop proches...
Un matin où elle se rend au travail, une pluie battante la surprend. Trempée, désarmée, refroidie, elle laisse son corps s'écrouler. Des mains solides la relèvent : il tient un parapluie, elle ruisselle. La situation est absurde : elle explose de rire, ses larmes se mélangent à l'eau qui coule. Une force invisible la pousse alors en avant. La voilà dans ses bras. Ca pique un peu dans le cœur, ça vient chatouiller le ventre. Ca va. Ca y'est, te voilà revenue.
March Hare
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