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Pourquoi un corbeau ressemble-t-il à un bureau?
3 novembre 2014

Concours "Histoires courtes - by Etam"

La marque Etam est à l'origine d'un concours de nouvelles : "Histoires courtes - by Etam". Du coup, j'ai décidé d'y participer :D

 

J'avais déjà participé au concours organisé par aufeminin.com l'an dernier, et je pensais rempiler cette année jusqu'à être confronté aux "thématiques" qui n'en sont en fait pas. Impossible pour moi de sortir quoi que ce soit avec un "thème" comme : "Elle entre dans l'ascenseur et les portes se referment...". C'est au mieux une phrase à intégrer dans son texte, mais à considérer en tant que thématique, cela limite grandement les possibilités de récit selon moi. Bref.

Donc ! Cette année, je participe à un autre concours à plus petite échelle, organisé par une autre marque, et qui propose une VRAIE thématique. Cette fois-ci pas besoin de liker les nouvelles pour les faire monter dans le classement : chaque texte aura ses chances face à un jury. Si la nouvelle que j'ai proposée vous intéresse, vous pouvez la lire ici : elle s'appelle "Le Samedi soir".

 

Il se trouve que j'ai décidé de me sortir un peu les doigts du cul pour l'occasion (je sais, la vulgarité, c'est le mal). Et le résultat est là : pour une même thématique, j'ai écrit 4 textes ! Je n'ai droit qu'à une proposition, mais du coup j'ai 3 nouvelles à publier sur ce blog, ce qui est grandement chouette ! Je crois que jamais je n'avais eu d'avance à ce point dans mes publications... Vous trouverez donc un peu plus bas une première nouvelle répondant au thème "Moi, en mieux". N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez ! Et ne faites pas attention aux passages en gras, canalblog me fait des farces...

 

De l'autre côté de la porte

 

Calé dans son fauteuil, un verre de scotch à la main, Murray regarde son cerveau s'éteindre à mesure que les programmes télévisés s'enchaînent et que l'alcool lui brouille la vue. Le post-it est encore sur la table du salon après trois semaines ; Murray dort depuis trois semaines sur le canapé, par peur de sentir le vide de ce lit qu'il a toujours partagé. L'homme sent la pesanteur lui arracher la tête des épaules, soudainement devenues trop faibles pour la soutenir.

 

C'est avec sursaut qu'il se réveille, surpris dans son absence par un bruit peu commun. Sa nuque est raide et l'ensemble de son front cogne telle une grosse caisse. Passant par la cuisine, il jette deux cachets effervescents dans un verre d'eau puis se dirige vers l'entrée, d'où venait le bruit. Rien d'inhabituel à première vue, mais une impression bizarre s'empare de Murray. C'est comme s'il était chez lui sans l'être : il reconnaît les murs et leur papier-peint mais pas les meubles, le sol carrelé mais pas la porte d'entrée. Murray retourne à la cuisine et s'enfile cul-sec son eau-aspirine, le visage grimaçant de dégoût. Il s'apprête à se réinstaller lorsque soudain le bruit reprend, cette fois à l'étage. En montant l'escalier, l'homme jette un œil au mur : les photos y ont laissé des traces de propre, et c'est comme faire face à une vie fantôme. Son pas s'accélère. Murray est essoufflé mais tente de repérer la source du bruit. C'est à présent très clair : la chose est derrière la porte de la chambre.

 

La main est hésitante sur la poignée, tremblante, et se retire. Hors de question de rentrer là-dedans. Mais c'est à présent une faible lumière, discontinue, qui jaillit de sous la porte, et Murray ne peut plus ignorer que quelque chose de suspect se passe derrière. Il ouvre donc, lentement, luttant contre l'odeur enivrante de ce lieu, et entre tout en fermant les yeux, claquant la porte derrière lui. Lorsqu'il se décide enfin à regarder, l'homme est incrédule : son ancienne chambre est devenue couloir. Un long couloir, sombre et humide, creusé à même la roche et qui finit en angle droit vers la gauche. A peine le temps de se poser la moindre question qu'une ombre disparaît dans le virage. Alors Murray s'élance ; il est persuadé que c'est elle. Il traverse le couloir, tourne à son tour et réalise que le plafond rapetisse au fil de sa progression, l'obligeant à continuer à quatre pattes. C'est si étroit que son dos rappe la roche grossièrement taillée.

 

Voilà plusieurs minutes que Murray avance avec une visibilité de plus en plus réduite, de sorte qu'il ne voit pas le trou vers lequel il se dirige. La chute, inévitable, est à la fois d'une violence extrême et la lenteur même. C'est comme si les notions de temps et d'espace s'étaient retirées, laissant place à ce trou gigantesque où rien ne bouge mais où tout tombe. Murray voit ainsi entassés les jouets de sa jeunesse et les clichés de son escalier, les pots de confiture de sa grand-mère et les habits de celle qu'il a aimée. Il finit par atterrir violemment sur quelque chose qui, au contact, pousse un petit cri plaintif. Mystérieusement intact, le corps de Murray a le réflexe presque animal de bondir : les objets croisés vont eux aussi finir leur chute ! Après quelques secondes de silence, le miraculé ouvre un œil et constate médusé que le trou a disparu, laissant place à un plafond orné de quelques peintures anciennes et d'un lustre. Là encore, pas le temps de souffler lorsque jaillit l'ombre sur le mur pour disparaître en boitant derrière un rideau. Murray part à sa poursuite sans hésiter, ouvre le drap et se retrouve dans son salon ; il s'arrête net et pose les mains sur le tissu qui s'est changé en mur. Le voilà ainsi revenu à la case départ, à ceci près qu'il n'est pas seul. En effet, avachi sur le fauteuil et un verre de scotch à la main, se trouve un autre homme que l'obscurité empêche de voir nettement. Cette fois Murray prend les devants et se dirige vers le centre de la pièce, prêt à faire face à l'impensable. Les traits du visage se précisent à mesure que Murray s'approche : c'est Murray lui-même, installé là, lui faisant face comme un pantin désincarné. Dépassant ce double inconcevable, Murray se dirige vers la table et se saisit du post-it. L'écriture, ronde et soignée, semble plus belle encore que dans ses souvenirs.

 

Il est resté là longtemps, lisant et relisant chaque mot jusqu'à leur dépossession, la télévision vociférant les horreurs d'un talk-show obscène. L'absurdité de la situation frappe Murray en plein visage ; il plie le papier qu'il range dans sa poche et, pris d'une angoisse terrible, sort du salon pour rejoindre l'entrée. La nausée lui monte à la gorge et le fait s'asseoir violemment. Murray entend l'autre, à quelques mètres, qui se réveille et se dirige vers la cuisine. Il faut faire vite, monter les marches, se cacher. Lorsque le double arrive, Murray est déjà là-haut. Il regarde l'autre repartir, souffle un bon coup, s'appuie contre la porte de la chambre. La chambre... Tout devient limpide. Il se redresse, pose la main sur la poignée – une main ferme, sûre – et frappe plusieurs fois du pied sur le sol. A présent tout est scellé, il ne lui reste qu'à entrer dans sa propre vie. Murray entend les premiers pas dans l'escalier ; son bras s'abaisse...

 

Parfois entrecoupée de quelques nuages fins, la lumière vient caresser la peau de Murray et noyer la pièce dans un bain de soleil printanier. Rien ici n'a bougé ; la pièce semble recouverte du silence blanc et immaculé de la neige. Alors, le morceau de papier serré dans le poing, Murray s'avance. Chacun de ses pas, lourd et maladroit, anéantit le fragile équilibre de la pièce, fait de vide et de poussière accumulée : une tempête dans un microcosme. Murray rejoint enfin le lit, s'y allonge dans un tonnerre de craquements sourds et interminables. Les yeux fermés, les mains jointes sur le ventre, il laisse la dernière note de ce vacarme résonner en lui comme l'on tient la dernière note d'une symphonie magistrale, avant le crépitement des applaudissements. A présent, lui aussi goûte à la sérénité de ce lieu qu'il avait fui tout ce temps.

 

Bercé par une paix nouvelle, Murray sent le sommeil l'accueillir. A la croisée des rêves et de la réalité, l'homme croit entendre la porte s'ouvrir : « Pars devant, je te suis ».

 

March Hare

 

Si vous souhaitez utiliser cet article, n'oubliez pas de consulter mes conditions d'utilisations.

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Commentaires
Pourquoi un corbeau ressemble-t-il à un bureau?
  • Bonjour et bienvenue sur Bandersnatch ! Ce blog me sert à publier mes textes et à partager mes humeurs. N'hésite pas à laisser une trace de ton passage ici et à me donner ton avis sur mes productions. Merci à toi et bonne lecture ;-)
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