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Pourquoi un corbeau ressemble-t-il à un bureau?
29 septembre 2013

Du système universitaire

Bonjour à toutes et tous,

J'ai précédemment évoqué mon parcours universitaire dans un article (trop long l'article, beaucoup trop long...), et ce en vue d'en arriver à une analyse (mon analyse) du système universitaire français (cet article, donc). Vous me suivez ? Bref. J'aurais du écrire ça dans la foulée mais j'ai remis à plus tard. Voici donc mon opinion concernant le système universitaire français.

I/ Obtenir son diplome

Cela va de soit, un étudiant a choisi les bancs de la fac pour recevoir un enseignement de qualité, enseignement qu'il assimilera pour, finalement, avoir la possibilité de le transcender et devenir à son tour une éminente source de savoirs. Basiquement : tu es un ignorant en entrant, tu es l'avenir du pays en sortant. Cela va de soi... Bon, on ne va pas se mentir, la fac n'est en réalité qu'une formalité et ta licence a autant d'intérêt pour toi et pour cette société que ton bac : un bout de papier qui te donne accès au niveau supérieur. Il s'agit de bien faire ses devoirs (comprenez de tout réviser au dernier moment), de valider ses semestres et au bout de trois longues années d'assimilation de la culture locale, d'obtenir enfin le Saint-Graal, à savoir le formulaire qui t'ouvre la porte vers encore 2 ans de procédure (oui, c'est le master que je traite de procédure, y'a un problème ?). On peut croire que les plus téméraires souffrent encore deux ans et qu'ils obtiennent enfin la reconnaissance générale, en obtenant un travail à temps plein en CDI pour un poste de cadre dans leur domaine de prédiléction. Mais en arrivant au sommet de l'édifice on sent trembler, depuis la base jusqu'à la cime, les pierres maladroitement agencées durant toutes ces années les unes par-dessus les autres. Tout s'écroule. C'est à ce moment, véritablement à ce moment que l'on se rend compte que l'on ne tient sur rien, que tout ce que l'on a bâti jusqu'ici ne servira pas, puisque tout s'effondre, puisque notre cerveau est vide de toute connaissance effective. Arrivé au bout, le diplome de master en main, on se met à chercher un travail à temps plein en CDI pour un poste de cadre dans notre domaine de prédilection quand, tout à coup, avant même d'être confronté au refus compréhensible du marché du travail, on réalise que de domaine de prédilection, il n'y a pas : aucun savoir-faire, aucune connaissance du marché du travail. Pour le bac vous vous en fichiez, ce n'était que le bac. Pour le master, le sentiment déchec est on ne peut plus palpable, au contraire de vos semestres validés qui sont à vos yeux plus abstraits qu'un monochrome de Klein. Congratulations, vous avez votre diplome ! La France est fière de vous.

II/ Survivre en milieu hostile

La précarité de l'étudiant... C'est moi ou je viens de faire un pléonasme ? A moins d'avoir des parents friqués ou, à défaut, des parents qui ont économisé leur vie entière pour les études de leurs rejetons, être étudiant, c'est la définition-même de la précarité. Alors on va peut-être pas se la jouer Caliméro non plus, non ce monde n'est pas trop inzuste, il est ce qu'il est. Cependant je trouve que de manière générale, l'étudiant est, par la force des choses, une sorte de survivant. "Job étudiant". Le fait même que cette catégorie, que cette appellation existe dans le monde du travail montre bien à quel point la chose est devenue banale. Sérieusement, je n'ai connu que très peu d'étudiants qui avaient la chance de ne se concentrer que sur leurs études. Il faut savoir qu'un étudiant, c'est quelqu'un qui, basiquement, a les mêmes besoins au quotidien qu'un salarié (loyer, nourriture, chauffage, essence, éventuellement cigarettes et autres), sauf que sa préoccupation première doit être l'enrichissement de son esprit et non de son portefeuille. Ca finit par devenir l'inverse. Les problèmes d'argent, ou tout simplement les soucis du quotidien liés à un job trop prenant en temps et en énergie, finissent par empiéter sur la vie estudiantine (oui, ce mot existe). Je prends mon cas perso pour illustrer. En master, j'avais un contrat 20h/semaine chez Leclercdrive où j'étais préparateur de commandes aux secteurs frais/surgelés/fruits et légumes. L'activité étant la plus dense entre 6h et 12h dans l'entrepôt, je me suis levé 3 à 4 fois par semaine à 4h30 du matin pour aller bosser, et ce pendant près de 3 mois d'affilée, avant de m'écrouler et d'exiger passer de l'après-midi. Sans compter les pressions subies au travail. Résultat : j'arrivais crevé et extrêmement préoccupé à la fac, je passais mon temps libre à dormir chez moi. Je ne suis qu'un cas parmi TELLEMENT d'autres. L'an dernier, un mec de ma classe allait à moitié en cours parce qu'il bossait 55h par semaine sur deux boulots pour rembourser le crédit étudiant qu'il avait contracté en entrant à la fac, payer son loyer et faire aboutir ses projets artistiques et professionnels. Je ne vous parle pas des démarches administratives en tous genres qui vous prennent, là-aussi, votre temps et votre énergie. Qu'il s'agisse des démarches vis à vis de la fac, de la sécurité sociale étudiante, de la bourse (à laquelle très peu de monde a droit à un échelon intéressant) ou des aides sociales de manière générale (de type APL, pour ne pas les citer, ces foutues APL et les allers-retours incessants à la CAF pour des conneries). L'étudiant moyen a ainsi autant, voire plus de responsabilités sur le dos (comptons tout de même la réussite de ses études dans les responsabilités, n'est-ce pas ?) que n'importe quel salarié, sans parler des étudiants-parents, et sans parler des étudiants étrangers qui, même s'ils disposent de nombreuses bourses, sont noyés dans le système universitaire (et bien souvent, ils doivent travailler sur tous les plans bien plus que l'étudiant moyen, pour suivre les cours et pour vivre au quotidien). Dois-je rappeler que certains pays rémunèrent les étudiants qui viennent de l'étranger pour étudier chez eux ? L'étudiant est donc un survivant. Et ne comptez pas sur les entreprises, par la suite, pour prendre en compte ces années de salariat acharné qui, à elles seules, devraient suffir à montrer votre détermination à travailler et même à bien travailler. C'est devenu tellement normal qu'un étudiant bosse durant ses études, que l'expérience est considérée comme nulle, parce qu'elle n'est pas du même domaine d'activité et/ou parce que ça n'a pas d'intérêt. Quand bien même vous pouvez justifier de 5 ans de salariat.

III/ L'after université

Il était question du marché du travail juste avant, j'écrivais qu'il était compréhensible que ce dernier soit méfiant à notre égard. Selon moi, la difficulté des étudiants à se trouver du travail ne vient pas du marché du travail mais de la formation de l'étudiant, donc de l'université. Le marché du travail est ce qu'il est, avec ses codes, ses lois et ses impératifs. On peut largement critiquer le fait que personne ne laisse sa chance à celui ou à celle qui n'a pas l'expérience requise, mais on ne peut pas le blâmer. Certes, il n'est "pas très gentil" de partir du principe qu'un novice ne fera pas l'affaire, mais (et c'est encore plus vrai dans le contexte actuel) la méfiance est légitime lorsque l'on souhaite la prospérité de son entreprise. Former de A à Z un nouvel élément demande du temps et de l'argent en moyens et en humain (car oui, l'étudiant sortant de master est à former, de A à Z). Ce que je veux dire, c'est que ça a toujours été, et que cela ne sort pas de nulle part : on le sait qu'un débutant va galérer à se faire ses premières expériences. Alors pourquoi la fac ne forme-t-elle pas les étudiants en conséquence ? J'ai mes idées là-dessus...

D'une part, je pense qu'il s'agit d'une question d'argent. Tout est une question d'argent, au départ. Avec plus d'argent, on pourrait se permettre de faire des licences et des masters plus complets, plus équilibrés entre théorie et pratique. Mais, d'autre part, l'argent n'excuse pas tout non plus et il y a un vrai problème en France avec la formation en études supérieures. Sur  5 ans de licence et de master, je n'ai  eu que 6 mois de stage obligatoire. Vous allez me dire : "si tu précises obligatoire, c'est que tu as eu des stages facultatifs à ta portée". Oui et non. En licence, pas de stage facultatif, un simple stage de 6 mois obligatoire en L3. En master, un stage facultatif par semestre nous était effectivement proposé. J'ai voulu sauter sur l'occasion. Mais comment voulez-vous ??? Comment concilier l'ensemble de ses cours à hauteur de 10h par semaine (car oui, aucun cours n'était supprimé pour réaliser le stage, il fallait se démerder à tout faire en même temps), le job à hauteur de 20h par semaine, et le stage qui doit logiquement s'apparenter à du mi-temps ? Sans oublier bien sûr le fameux mémoire qui est censé, à la base, nous occuper le temps libre laissé par les "seulement" 10h de cours (là-aussi, impossible, il faut bien vivre, donc je travaille. Cordialement). Heureusement les profs sont relativement conscients de cette situation et compréhensifs, notamment vis à vis du mémoire. Et vous allez encore me dire : "hé ! T'es quand même gonflé ! T'as qu'à la trouver toi-même ton expérience dans ton domaine de prédiléction !". Effectivement, Georgette, effectivement, l'idéal est de trouver un job étudiant dans sa branche, ne serait-ce que pour se faire quelques contacts dans le milieu. Mais les jobs étudiants sont bien souvent des jobs pénibles et inutiles. Par exemple, impossible d'être chargé des relations avec le public en job étudiant quand on sait que le boulot représente en gros du 42h par semaine, et qu'il requiert déjà de l'expérience et des contacts. Alors j'aurais pu faire barman dans un théâtre mais non, je suis désolé, c'est un métier, et je ne bois que trop peu d'alcool pour m'y atteler avec un minimum de science ("Un Bloody Mary s'il vous plaît ! - Euuuh... toi-même !"). Mais au-delà de cela, j'ai envie de dire que ce n'est pas la question, Georgette. Dans ce cas du job étudiant, on se trouve à la périphérie des études dans une action à l'initiative de l'étudiant. Ma question est plutôt de savoir pourquoi le système universitaire ne prévoit pas de formation pratique dans son enseignement ? Est-ce si compliqué de comprendre qu'un patron recherche avant tout un savoir-faire, et non un savoir ? Tu peux être incollable sur Malraux et la naissance du ministère des Affaires Culturelles, ça ne fera pas de toi un wonder-chargé des relations avec le public.

Pour terminer, je voudrais aussi parler d'une espèce d'utopie, d'un rêve général et partagé à la fois par les professseurs et par certains étudiants, et qui rôde dans les couloirs de la fac : la recherche. Prenons un cas normal de cursus universitaire : un jeune homme ou une jeune femme entre en licence. Il ou elle est là sans trop savoir pourquoi, et la fac le lui rend bien, elle ne sait pas non plus quoi lui enseigner précisémment (paye tes deux premières années de licence en mode "culture générale à hauteur de 30h par semaine"). Il ou elle croit naïvement en début de licence qu'il ou elle va apprendre un métier. Que nenni, du moins pas en licence. OK, let's see pour le master. Arrivé(e) en master, les professeurs lui disent : "Heyyy ! N'oubllie pas, tu as un mémoire à me rendre en fin d'année. Mais si, tu sais, le bloc de papier de 50 pages qui est censé marquer le début de ta grande carrière de chercheur/se !". Il ou elle est perdu(e), et c'est bien normal. Très vite, il ou elle veut apprendre un métier, mais il ou elle ne le peut pas, parce qu'il ou elle doit faire de la recherche. Et au bout d'un an, ou de deux pour les plus courageux/ses, la rupture se produit : il ou elle se rend compte qu'il ou elle a perdu 5 ans de sa vie à enrichir son cerveau et pas toujours de la meilleure manière, et le professeur a le coeur brisé, sombrant peu à peu dans le dépression de voir que la recherche n'intéresse plus les étudiants. Voilà un cas de figure normal d'étudiant normal, selon moi. D'où le quiproquo général : l'état et les professeurs croient accueillir des élèves en master qui seraient partants pour un mémoire, puis un doctorat, puis une thèse, et les élèves en question croient obtenir des professeurs et de l'état un enseignement qui leur permette de rentrer aisément sur le marché du travail. Heureusement que cela ne dure pas depuis des années et que les personnes qui ont la possibilité d'améliorer les choses s'attèlent à une refonte radicale du système ! Rien n'a fondamentalement bougé depuis des années dans le domaine de l'enseignement supérieur, et l'édifice commence à ressembler à un énorme tas de poussière. Mais tout le monde s'en fout. Et on envoie les gens galérer comme des cons pendant des années, tout en ayant conscience que ces années, ces précieuses années, sont autant d'annuités en moins et que la retraite des universitaires ne viendra pas, par voie de conséquence, avant les 70-75 ans. Merci ! Nous sommes tous ravis !

 

Voilà, c'était long encore une fois, j'en suis désolé, j'ai beaucoup de choses à dire sur le sujet (car oui, il m'en reste sous le coude et oui, je suis un peu amer face à mes années perdues dans le continuum espace temps). J'ai pas dit ni fait grand chose jusque-là, la portée de mon influence est minime, mais je peux au moins faire ça à présent: donner mon avis et le poster sur une plateforme visible de toutes et tous. Si vous voulez utiliser cet article, n'oubliez pas de passer voir mes conditions d'utilisation auparavant, merci beaucoup !

 

Merch Hare

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Commentaires
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