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Pourquoi un corbeau ressemble-t-il à un bureau?
23 juin 2013

Ultime confession

Bonjour à toutes et tous !

Comme prévu, mon mémoire étant terminé (dans le sang et la douleur dirons-nous...), j'ai à présent le temps d'écrire et donc de publier. J'attaque ce renouveau avec une nouvelle que, j'espère, vous apprécierez. J'ai en tout cas pris beaucoup de plaisir à la construire. Bonne lecture à vous !

 

 

Je me penchai au dessus du bénitier ; j'y vis Gabriel se mouvoir en ondes pieuses. Gabriel, l'ange. Un raclement de gorge impatient me fit expédier mon signe de croix : d'autres attendaient de s'enduire le front avant que d'agenouiller. Me voilà donc dans la maison de Dieu. Ce qu'on raconte est vrai : les portes y sont grandes ouvertes.

Je venais de loin. L'été et ses ardeurs m'avaient poursuivi toute la journée tels des érynies furieuses. J'avais franchi le seuil de cette église ; presque par hasard.

*

Pénétrer dans un bâtiment nécessite que l'on ait un petit quelque chose à y faire ; corps et esprit ont tout du moins cette notion de « but à atteindre » à laquelle se rattacher. Mais faire irruption dans un lieu à l'aveugle pour y trouver refuge est totalement différent. Les yeux comme dans la pénombre cherchent, ainsi la bête sauvage, un recoin familier, une habitude à s'inventer. Vous vous sentez bien plus mal qu'auparavant, vous voulez ressortir, mais dehors la menace rôde. Alors vous restez, vous errez ; la paranoïa s'installe : tout le monde vous regarde et tous savent que vous n'êtes pas là pour les bonnes raisons. Vous errez encore, l'esprit divague jusqu'à...

*

J'ouvris un rideau, m'assis, refermai le rideau. Pour l'homme de l'autre côté de la paroi, j'imagine que l'acte fut violent. Il s'agissait d'une intrusion, personne ne m'a invité à quoi que ce soit. Je m'attendais à devoir rendre des comptes. Le silence dura, me mit mal à l'aise.

« Parlez, je vous écoute. Ne craignez pas mon jugement », dit alors une voix profonde. « Oui, oui bien sûr. Je parlerai dans un instant, bien sûr », répondis-je presque aussitôt, un poids certain sur les épaules. « Vous semblez soucieux mon enfant », remarqua la voix, emplie d'une sincère inquiétude. Et comme je restai coi : « Ecoutez... Vous êtes un enfant du Seigneur. Et si vous êtes entré ici, et si vous êtes venu à moi, c'est qu'il s'agit-là de Sa volonté. Alors n'ayez crainte, je suis à votre écoute : parlez avec votre coeur ». Je n'avais rien à divulguer, je n'étais qu'un réfugié, un transitoire. Je n'étais pas destiné à atterrir dans les jupons d'un prêtre. Pourtant j'ouvris la bouche, je l'ouvris pour m'en aller, fuir encore, trouver un ailleurs. Mais ce qui m'échappa fut déconcertant... 

*

... jusqu'à ce qu'un détail vous saute aux yeux et fixe votre attention. Un presque rien, une paire de chaussures sous un rideau. Alors rien d'autre ne compte et vous laissez derrière vous l'oppression née de l'inconnu. Puis de point d'accroche, cette paire de chaussures devient point de fuite et vous laissez derrière vous cet enfer d'instabilité ; pour souffler un peu, vous recentrer, vous situer, reprendre votre place dans ce monde. A côté des chaussures se trouve un box vide, vous y entrez, vous avez la désagréable sensation d'un déjà-vécu.

*

« Dieu, c'est moi ». Le silence s'installa de nouveau. Les mots, à l'écho des parois de l'église, résonnaient comme une insulte. L'homme de l'autre côté du mur semblait méditatif, à défaut de se trouver offusqué. J'étais allé loin, plus loin que je ne l'avais jamais été, et lui, ce prêtre, le savait. « Aurevilly. Intéressant. Cela mérite en effet que l'on s'y arrête un moment », déclara solennellement l'homme de foi. Puis à nouveau la réflexion. « Vous êtes bien plus spirituel que vous ne voudriez le croire mon fils ». Je voulais sortir de cette boîte, m'échapper de cette chape de pierre qui m'opprimait le coeur et le corps, m'écrasait et m'enfonçait jusque dans la terre. Je voulais planter-là ce vieil illuminé et fuir encore, fuir toujours. Et puis je n'ai pas su. Alors vaincu, acculé dans un coin et le fusil braqué sur ma gueule, je dis : « Mon père, je suis perdu. Le monde entier semble être après moi et je suis épuisé, je n'arrive plus à lutter ; je suis perdu ».

*

Vous transpirez sous l'effet du stress et de la peur. Vous suez à grosses gouttes, plus encore que sous la chaleur qui vous a fait entrer. Quelque chose se produit, vous n'êtes plus maître de vous-même. Vous suffoquez et cette boîte, c'est un cercueil. Vous en êtes intimement convaincu à présent, c'est la mort elle-même qui vous parle : elle n'est ni affreuse ni brûlante, elle serait plutôt pragmatique, philosophe, lumineuse. Elle porte bien son nom, la mort : Lucifer. Elle vous éclaire sur votre humanité pour mieux vous y crucifier vivant, pour l'éternité.

*

Le prêtre sortit de son box et disparut. Je ne cherchais plus à fuir mais à rester, indéfiniment. Pourtant j'ouvris le rideau et le soleil à travers les vitraux m'éblouit. La tâche sur mes yeux disparut et je me trouvai déjà dehors. La chaleur ne m'incommodait plus, je n'étais plus le même qu'avant, à moins que le monde lui-même eut changé, en un éclair. J'étais face au vertige et pourtant certain d'emprunter la bonne voie. Les mots, entendus des tréfonds mêmes de mon âme, se dessinaient droit devant : « Alors mon fils, si vous êtes perdu, c'est que vous êtes sauvé ».

*

Vous ouvrez les yeux et le soleil vous brûle la rétine. Et vous pensez que la tâche ne s'en va pas. Vous appelez, votre ventre hurle à la mort tant vous avez faim, votre corps hurle à la mort tant vous avez froid, votre tête hurle à la mort tant vous avez mal. La tâche ne s'en va toujours pas et vous appelez, pour que quelqu'un vienne. Et puis votre rythme cardiaque ralentit, votre respiration se fait moins haletante, et vous réalisez que vous êtes prostrés. Vous savez d'où vient le froid et vous vous décollez donc de ce mur de pierre, vous vous relevez. Ce n'est pas le soleil qui vous a sorti de votre torpeur mais une lampe puissante, qui s'en va. Alors vous vous jetez en avant et le métal des barreaux vous stoppe et vous meurtrit. Pas une tâche mais des barreaux. Avant qu'il ne s'échappe, vous reconnaissez la soutane d'un prêtre tombant en rideau sur une paire de mocassins. Votre regard se pose sur ce qu'il tient à la main : un livre, et une représentation de l'Annonciation imprimée sur sa couverture. Vous vous écroulez, les forces vont de nouveau vous quitter dans un instant. « Alors mon fils, si vous êtes perdu, c'est que vous êtes sauvé ». Vous allez tourner de l'oeil mais vous avez un sourire car vous vous rappelez : votre exécution est prévue pour cet après-midi.

 

 

J'attends bien sur vos commentaires, même les plus acerbes (n'hésitez vraiment pas, je publie mes textes en vue d'être critiqué). Si vous avez aimé cette nouvelle vous pouvez la partager sur les réseaux sociaux. Et si vous voulez vous tenir informés de la publication d'un article, vous pouvez liker ma page facebook : le lien est sur la droite. Pour finir, si vous voulez utiliser cet article, consultez au préalable les conditions d'utilisation de ce blog, merci !

A très bientôt pour de nouvelles publications,

March Hare.

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Commentaires
Pourquoi un corbeau ressemble-t-il à un bureau?
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